Les élégantes Parisiennes de la Belle Epoque ne se doutaient guère que les plumes de leur coiffure provenaient de cette cité des eaux au cœur du Mali . En période de crue, hérons, aigrettes et cormorans envahissent par milliers les rizières et les marécages, alors à sec, qui entourent Mopti. Quand les pluies reviennent et que les eaux du Niger et du Bani remontent, Mopti reprend sa physionomie ordinaire, que composent trois îlots reliés entre eux par des digues servant à la fois de protection et de routes. L’une de ces digues, longue de 12 km relie Mopti à Sévaré, croisée des routes en direction du nord, de l’est et du sud du Mali. Mopti, surnommée la Venise malienne, est située au confluent du Niger et du Bani. Les eaux se rejoignent ici, se dispersent ensuite vers le nord en autant de défluents qu’il existe de cuvettes bordées par les ergs, avant de couler vers la région des grand lacs. A partir de là, assagi, leur cours majestueux, que les traditionalistes appellent la « bosse du chameau », redescend en direction du sud à travers les vastes plaines sahéliennes.
Ce trajet si varié du Niger a contribué à faire de Mopti une métropole commerciale qui pour s’être développée sous la colonisation, n’en a pas moins acquis une personnalité particulière qu’on nomme « l’esprit de Mopti ». Dans cette formule se confondent le bon goût, l’élégance, une hospitalité à toute épreuve et…un grand sens commercial. Le roi Ahmadhou voulut qu’elle fût la ville de la paix et du rassemblement des peuples de son royaume, et mopti, mot qui signifie en peul « regroupement », deviendra Mopti. La ville remplira alors très vite le rôle d’un creuset de civilisation mais aussi celui d’un centre d’échanges où se rencontrent le piroguier venu du sud et le chamelier descendu du désert.
Bambara de Bamako ou de Ségou, Dogon descendus de leurs falaises de Bandiagara, Shonghai et Tamasheq de Gao ou de Tombouctou, tous les peuples du Mali se donnent rendez-vous à Mopti. Et l’immigration se poursuit en dépit du fait que le seuil de saturation est maintenant largement dépassé. Au port les pirogues débarquent chaque semaine – le mercredi – veille du jour de marché, des familles entières de commerçants, d’éleveurs ou d’agriculteurs et laissent là chaque fois quelques nouveaux immigrés en plus. On parle toutes les langues autour de ce port situé au sud de l’île centrale. Bruyant et odorant, ce pittoresque capharnaüm possède paradoxalement des principes d’organisation. Chaque rive accueille un type de cargaison : au nord le sel de Tombouctou et le mil de Ségou, ainsi que les passagers non commerçants voyageant, au sud, le poisson séché, entassé en d’énormes piles parfois hautes d’un mètre dans des pirogues à moteur bâchées dont certaines de fabrication locale peuvent transporter jusqu’à 60 tonnes. Cette manne est ainsi distribuée dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Mopti ne vit pas seulement du poisson. Ici tout se vend, tout s’achète. Le jeudi jour de marché, toute la ville se transforme en une immense foire. Sur chaque place publique se tient un marché. Les artisans ne sont pas en reste et entre le port et le quartier administratif, ils étalent au sol de véritables chefs-d’œuvre, de cet artisanat malien aux multiples ressources : grosses boucles d’oreilles en or en forme de nacelles, anneaux pour les narines, bracelets de cuivre ou de bronze, pendentifs….Les artisans de Mopti perpétuent dans leurs quartiers de Komouguel une tradition de sérieux.
La mosquée, célèbre par ses travées et ses pyramides, domine Komouguel. Elle est entourée de proéminences faisant saillie hors des murs.
Quoique tassées les unes contre les autres les constructions sont vastes et disposent de terrasses et parfois d’un jardin. Les portes massives sont ornées d’énormes clous. Des orifices dessinant des arabesques sur les murs canalisent judicieusement les courants d’air pour atténuer une chaleur qui peut être torride.
Le dépaysement est si fort à Mopti que la ville ne laisse pas indifférent.
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